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+Christine Picard, institutrice à l'école Jean Monnet de Clamart

Une année Exceptionnelle

christine-et-arnaudQuand j’ai accueilli Arnaud en début d’année dans ma classe de CE1, je ne savais pas trop à quoi m’attendre car c’était la première fois que j’allais avoir à m’occuper d’un enfant autiste.
Ce fut pour moi une année exceptionnelle !

Dès la rentrée, l’ensemble des parents et des enfants ont été informés de la présence d’Arnaud dans la classe ainsi que de celle de son accompagnante. J’ai organisé deux discussions avec les enfants, l’une seule, l’autre en compagnie de la psychologue référente du SESSAD, afin de leur expliquer la particularité d’Arnaud et de répondre à toutes les questions qu’ils pouvaient se poser le concernant.
Là, quelque chose s’est passé. Face à la gentillesse et au naturel d’Arnaud, une relation extraordinaire s’est développée. Arnaud était invité à la plupart des anniversaires de la classe ; les enfants se relayaient, voire même se chamaillaient, pour savoir qui allait déjeuner ou jouer avec lui ; ils le protégeaient et le défendaient durant les récréations ; certains le « tutoraient » même lors des quelques absences de l’accompagnante. Bref, il était parfaitement intégré !

La classe de découverte de dix jours que nous avons faite en Savoie au mois de mai fut l’apothéose de cette intégration. C’était génial et très émouvant de voir tous les efforts que déployait ce petit garçon pour vivre au même rythme que ses camarades. Il évoluait bien sûr toujours sous le regard bienveillant d’un adulte, un animateur, son accompagnante ou moi-même, mais nous nous mettions petit à petit en retrait pour lui faire gagner chaque jour un peu plus d’autonomie. Ce fut une vraie réussite !

Concernant les apprentissages, Arnaud a acquis, à son rythme bien sûr, la plupart des compétences de fin de cycle en français et en maths. Il m’a fallu adapter certains travaux bien sûr, notamment en lecture et en résolution de problèmes, tant pour la présentation que pour la quantité. Mais cela comme nous devons le faire pour chacun de nos élèves présentant une spécificité ou rencontrant des difficultés. Pour ce faire, j’étais très bien secondée par son accompagnante qui n’hésitait pas à reprendre certaines notions à la maison.

Finalement, grâce à tout cela, Arnaud a pu passer au CE2. C’est avec un pincement au cœur que je l’ai regardé faire sa rentrée chez une collègue cette année, car je me suis énormément attachée à lui. Cette année passée en sa compagnie fut, pour moi, d’une grande richesse tant du point de vue professionnel que du point de vue des rapports humains. Elle restera une année phare dans ma carrière.

+Magali Merenda, accompagnatrice, psychologue

magaliTémoignage de Magali Merenda, psychologue et accompagnatrice pour l’association «Autistes Sans Frontières 92 – Les Premières Classes» concernant la prise en charge de Pierre, 6 ans scolarisé en grande section de maternelle (2007-2008)

Il faut tout d’abord souligner l’envie d’apprendre et la satisfaction que Pierre éprouvait lorsqu’il exécutait un travail de bonne qualité. Son investissement et une prise en charge globale lui ont permis d’évoluer positivement tout au long de son année de grande section.

Le principe et les bénéfices de l’accompagnement scolaire individualisé et spécialisé.

Les difficultés de Pierre résidaient principalement dans un manque de compréhension des consignes et de leur vocabulaire, ou dans la complexité de la consigne en elle-même. J’intervenais principalement en les reformulant, ou en lui expliquant les notions notamment lorsqu’il s’agissait d’un nouvel apprentissage. Tout au long de l’année, Pierre a gagné en autonomie. Les consignes devenant routinières, et les notions ayant été acquises, il n’était plus nécessaire de les reprendre avec lui. Plus présente aux côtés de Pierre en début d’année scolaire, je me suis mise davantage en retrait en fin d’année et Pierre me sollicitait lorsqu’il avait fini son travail ou avait besoin d’aide. Il me fallait également intervenir sur les difficultés d’attention de Pierre. On notait de nombreuses ruptures d’attention lorsqu’il ne comprenait pas le vocabulaire de ce qui lui était dit, d’où l’importance d’une reformulation ou d’une focalisation de son attention notamment pendant les temps de regroupement (lecture d’histoire…). L’attention que Pierre accordait au travail qu’il effectuait était également régie par son intérêt pour la tâche et sa motivation. Ainsi, il pouvait se désintéresser complètement d’une activité qui ne lui était pas motivante, ce qui impliquait des ruptures d’attention et de nombreuses fixations. J’étais alors présente pour le recentrer sur son travail. Par ailleurs, j’intervenais concernant la régulation des émotions de Pierre. Par exemple, une trop grande excitation notamment pendant la motricité engendrait chez lui des battements de mains. Je lui permettais alors de mettre des mots sur ses émotions plutôt que de les exprimer sur le plan corporel. Concernant les relations sociales de Pierre avec les autres enfants de son école, il a d’abord été nécessaire que je sois présente pendant les récréations, pour l’amener à jouer avec les autres enfants et ne pas le laisser courir seul dans la cour (comportement d’autostimulation). Au cours de l’année scolaire Pierre s’est ouvert davantage aux autres et mon intervention s’arrêtait à une explication de certains comportements à ne pas copier sur les autres enfants, car Pierre imitait les bons comportements mais il lui arrivait aussi de copier les mauvais (ex : bagarre).

 

Les séances à domicile : voir ou reprendre les notions non acquises, qu’elles soient scolaires ou relatives au handicap de Pierre.

Les séances à domicile permettaient de revoir certaines activités scolaires non comprises. Il m’arrivait alors de reprendre les exercices de l’école. Mais avant tout, le programme des activités à domicile était élaboré en fonction des difficultés globales de Pierre relatives à son handicap. Par exemple, puisque Pierre présente un trouble au niveau du langage et de la communication, nous avons travaillé à domicile l’emploi du « JE/TU », « IL/ELLE » dans la formation de ses phrases, la compréhension des consignes doubles ou encore des questions commençant par QUI, OU, POURQUOI, etc. Par ailleurs, les programmes étaient basés sur l’assimilation des grandes notions acquises en grande section : le résonnement logique (addition, soustraction), l’écriture, la préparation à l’apprentissage de la lecture, etc. C’est aussi grâce à cela que les notions étaient plus facilement assimilées à l’école au cours de l’année.
Pour conclure, il me faut souligner la complémentarité des deux prises en charges, c’est-à-dire au sein de l’établissement scolaire (en relation et grâce à l’implication de l’institutrice) et du domicile. C’est cette complémentarité qui permet à la prise en charge d’être adaptée et qui, dans le cas de Pierre, a permis de poser un bilan positif de sa grande section de maternelle. De plus, son intégration à l’école lui a été profitable aussi bien au niveau de sa socialisation que des apprentissages qu’il a pu y acquérir. Tout en permettant également aux autres enfants de s’ouvrir au handicap et à la tolérance.

+Cécilia, institutrice

ceciliaInstitutrice de Pierre, 6 ans, scolarisé en grande section de maternelle à Puteaux.

L’adaptation de Pierre à l’école.

Je connais Pierre depuis qu’il a intégré notre école pour son année de petite section il y a 4 ans.J’ai vu son évolution depuis la moyenne section et le travail de son accompagnatrice toute au long de cette année charnière, où Pierre s’est ouvert aux autres et aux apprentissages. Avoir Pierre avec moi dans la classe ne me posait aucun souci, j’étais même confiante sur ses capacités en développement, je le savais capable d’intégrer une grande section sans problème.

L’intérêt de l’accompagnement spécialisé et individualisé.

Grâce à l’accompagnement de Magali, qui s’est allégé au cours de l’année pour laisser une plus grande autonomie à Pierre, on a pu continuer à avancer sur la même lignée que l’année précédente avec régularité, beaucoup d’envie et de bonne volonté de sa part pour se mettre au travail.

Pierre a une capacité de réinvestissement telle, que les choses qu’il n’avait pas saisies en classe étaient retravaillées à la maison en séances avec Magali, et acquises ensuite en classe. Mais peu d’exercices au cours de l’année ont nécessité des reprises de consignes ou des explications complémentaires, Pierre saisissait quasiment tout de suite les consignes des ateliers de son groupe, le plus difficile était ensuite de rester concentré, et de ne pas se laisser aller aux bavardages des autres.

Un bilan positif : de réels progrès en termes d’apprentissages et de socialisation.

Du fait de son ouverture aux autres et au monde scolaire qui l’entoure, Pierre a pu intervenir en classe au sein du groupe à bon escient, et participer ainsi aux échanges de la classe. Il a évolué régulièrement avec une grande application dans tout ce qu’il a entrepris, même s’il fallait parfois le recadrer pour qu’il revienne à l’activité proposée.

En conclusion, une bonne année scolaire avec des échanges et des demandes qui ont permis à Pierre de terminer sur des acquis de grande section bien intégrés.

+Mr Kremer, instituteur et directeur d'école

m_kremerDirecteur d’une école maternelle à Boulogne-Billancourt et instituteur de Louise, 5 ans, en grande section de Maternelle.

De l’importance du diagnostic…

Louise est arrivée en petite section de maternelle en 2005-2006. Lors de la rentrée des classes, elle s’est retrouvée isolée, avec d’importantes difficultés pour la consoler de son chagrin lors des séparations du matin.

Très en retrait auprès de ses camarades, elle restait isolée lors des regroupements. Elle s’asseyait toujours à la même place sur son banc et regardait vers le ciel ou le sol, sans répondre à mes questions.

Alerté par cette attitude renfermée et rendant cette fillette plus difficile à cerner chaque jour, j’ai rencontré les parents. J’étais très intrigué par les « absences » de Louise et j’ai fait part de mes craintes quant à la suite de la scolarité de cette enfant en moyenne section. Ils ont alors consulté et des spécialistes ont diagnostiqué un autisme de haut niveau (c’est-à-dire plutôt «Léger »).

…à la prise en charge éducative adaptée.

Les parents de Louise ont alors remué ciel et terre pour obtenir l’accompagnement d’une psychologue formée aux troubles autistiques et leur énergie n’a pas été vaine puisqu’à la rentrée en moyenne section, Louise n’était plus seule en classe ! Elle a alors trouvé ses repères dans l’école et dans le groupe de camarades. Les progrès ont été rapides car la technique entreprise (Teach) était efficace pour son syndrome. En grande section, ils lui ont renouvelé son encadrement mais avec, cette fois-ci, la méthode ABA, pour développer encore davantage l’autonomie.

Avec tout l’amour de ses parents et l’aide de l’association « Les Premières Classes », Louise a, au cours des deux années qui ont suivi le diagnostic, pu bénéficier d’un accompagnement efficace et stratégique : Les intervenants l’ont aidée à se concentrer, à suivre les consignes…sans jamais remplacer l’instituteur. Ils étaient également très présents au début lors des récréations, pour « replacer » Louise dans le groupe d’enfants, et la « guider » vers les autres.

Pour enfin voir renaître l’enfant, et l’espoir !

Désormais, Louise peut tisser des liens oraux avec ses amies et ne plus rester enfermée dans cet isolement systématique. Elle est capable de se faire des amies seule. Aujourd’hui, elle fréquente une classe de cours préparatoire et s’apprête à rentrer dans la lecture. Elle fait l’objet d’une attention toute particulière à l’école élémentaire afin de bénéficier d’apprentissages dédiés et lui garantissant une scolarité « classique » entourée d’un soutien permanent. Quelle belle revanche …

Au final, je reste encore sous le charme de Louise avec laquelle j’aurais aimé lier des contacts plus conviviaux. J’ai appris beaucoup de choses sur l’autisme, grâce aux discussions avec ses intervenantes. Louise demeure un véritable miracle qui doit à ses parents d’avoir réagi au plus tôt et d’avoir pu et su rencontrer les interlocuteurs informés et prêts à les aider au sein de leur association. Elle me fait penser à ce proverbe grec : « La glaise ne devient terre à mouler qu’après avoir été pétrie », qui décrit toute la patience et la volonté de ses parents à la sortir de son isolement.

+Karine, institutrice

Institutrice de Vittorio, 6 ans, scolarisé en grande section de maternelle à La Garenne-Colombes.
Quand la maman de Vittorio m’a demandé de rédiger un article pour soutenir l’association « Les Premières Classes » dans son action auprès des écoles, j’en ai tout de suite vu l’utilité pour souligner ce rôle d’accompagnement.

L’école, un droit pour tous les enfants.

Nous sommes tous concernés : parents, enfants, AVS, associations, école, administration, personnel municipal accompagnant les enfants, psychologues … quand il s’agit d’offrir toute possibilité supplémentaire d’épanouissement à un enfant !

L’école est là pour offrir des chances de réussite et si cela doit passer par une coordination entre l’école publique et une association privée, dans le respect des règles de fonctionnement de l’école publique, pourquoi pas ! Et ce d’autant, que le nombre d’enfants pris en charge se multipliera dans l’avenir. L’association, elle, permet un accompagnement individualisé : il ne s’agit pas d’un substitut à l’école. Les deux parties sont donc complémentaires. Ce travail se fait en collaboration avec les différents partenaires mais toujours dans l’intérêt de l’enfant. Il est de notre responsabilité d’enseignant de mettre tout en œuvre pour qu’un enfant évolue, même si cela doit nous demander un effort supplémentaire…

Les résultats de l’intégration de Vittorio.

Et les effets se sont fait sentir au bout de quelques semaines : Vittorio accompagné avec patience par Clémence, a pu répéter les mots, se les approprier, prendre confiance et ainsi progresser sur le chemin du langage pour tendre vers une communication verbale plus complexe, plus autonome, c’est le but. Il améliore ses phrases, les allonge, entre dans l’échange avec les autres enfants et les adultes. Il comprend une consigne, commence à la reformuler, s’intéresse à un projet collectif, y adhère parce qu’il le conçoit mieux. Il accepte de partager ses envies, ses émotions avec d’autres que sa famille proche et c’est une nouvelle source d’enrichissement.

Cet effort qu’il fournit devra être respecté, dans l’avenir proche, en lui proposant encore un accompagnement jusqu’à ce qu’il soit complètement autonome.

La collaboration entre l’enseignant et l’accompagnant.
Quand on analyse de près les quelques minutes qu’un enseignant passe auprès de chaque enfant quotidiennement, même avec la meilleure volonté, on sait que c’est très peu ; en tous cas, pas assez pour soutenir un enfant, en difficulté, sur ce point précis du langage. Si l’aide de l’enseignant, qui existe, mais n’est pas suffisante, est renforcée par une personne supplémentaire, les chances de progrès sont améliorées. D’ailleurs, le travail de l’enseignant n’est pas remis en cause, il est consolidé, car compris par l’enfant.

La présence de Vittorio, un atout pour toute la classe.
Mais si Vittorio a progressé, sa présence nous est profitable également, il nous engage à accepter nos différences, nous apprend à nous enrichir les uns les autres, il nous permet de mettre en pratique ce « vivre ensemble » qui dépasse enfin le concept posé sur le papier. On a eu recours à un tutorat (entre enfants) quand besoin était (absence de Clémence). On a réellement tenté d’appliquer dans le comportement vis-à-vis de chacun, quelques principes de vie collective : écoute, entraide, initiative…

 

Sa présence a renforcé la cohésion du groupe, et ce n’est pas la première fois que je perçois cet état d’âme dans la classe dans un cas comme celui-ci: cette année, on sent une vraie communauté de vie. Les enfants sont contents de voir les progrès de Vittorio, lui montrent et il progresse aussi dans ses émotions. Notre expérience positive doit servir de modèle, doit prouver que c’est possible et salutaire